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Entrevue avec le directeur artistique
du Camp de Blues : Vincent Beaulne
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La cinquième édition du Camp de Blues,
organisée par le Festival International de Jazz de Montréal,
a débuté cette semaine a pris fin dimanche le 4 juillet
dans le cadre d’un spectacle offert par ses finissants sur la grande scène
TD, à 18 h. Une cinquantaine de jeunes musiciens ou chanteurs âgés
entre 13 et 17 ans ont été retenus lors des précédentes
auditions afin de prendre part à ce camp de blues musical, entièrement
gratuit et combien enrichissant. Je suis allée rencontrer Vincent
Beaulne, directeur artistique du Camp de Blues, au Cégep du Vieux-Montréal.
Je vous invite à lire l’entrevue qu’il m’a gentiment accordée.
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Patricia Clavel : Bonjour Vincent. Tu es le
directeur artistique du Camp de Blues qui se déroule dans le cadre
du Festival International de Jazz de Montréal. Peux-tu m’expliquer
en quoi consiste un camp de blues ?
Vincent Beaulne : Le Camp de Blues, c’est 350
élèves qui ont auditionné plus tôt cette année.
On en a pris une soixantaine qui vont se diviser en six orchestres pour
apprendre à jouer du blues, apprendre les bases du « 12-bar
blues », apprendre à « groover » ensemble, apprendre
à jouer, à s’écouter et à interagir… tout ce
qui fait que le blues est une musique extraordinaire. Et donc, nous avons
au Camp de Blues six groupes qui vont performer dimanche prochain sur la
scène TD, à 18 h. Des jeunes qui, pour la plupart, n’ont
pas eu d’expérience de blues, vont se retrouver sur la grosse scène
avec chacun leur orchestre, qui comprend 8-9 ou 10 élèves
par groupe. « Bass drum », deux guitares, piano, harmonica,
chant, des « horns », trompette, trombone, sax et grosso modo
c’est comme ça que ça se passe. Ils ont une formation complète
en une semaine sur leur instrument et sur l’interaction. Ils ont des «
master class » avec de très grands musiciens de blues d’ici.
Alors, ça ressemble à ça, c’est très intense.
C’est une semaine où l’on respire du blues du matin jusqu’au soir
puis ça culmine dans le spectacle du dimanche soir. |
Donc à quoi ressemble une journée
pour les jeunes faisant partie du Camp de Blues ?
Ça commence à 8 h 30 et en bas au café, il y a
une démonstration, un orchestre qui joue. Ce matin, c’était
les profs qui jouaient pour accueillir les jeunes. Il y avait beaucoup
de musiciens, c’était très l’fun. Et dès demain matin,
parmi les bands qui se seront formés aujourd’hui, il y en a un qui
va jouer une pièce qu’ils sont en train de travailler. Alors, on
ne niaise pas, ce n’est pas comme on pratique 3-4 jours pour faire une
toune. Il y a un band « booké » pour demain matin. Alors,
il joue et ensuite on s’en va travailler dans les combos où chaque
classe a un prof. Et puis là, ils travaillent un « cover »
qui est une pièce imposée. Chaque classe a eu une pièce
qu’ils doivent jouer, qui est tirée des grands classiques du blues.
Et aussi, ils auront une composition à faire. Et ce sont ces deux
chansons-là que chaque groupe va jouer dimanche prochain.
Mais j’ai sauté une étape. Avant d’aller en combo, il
y a les cours d’instruments. Exemple, moi je travaille avec les chanteuses
pendant une heure de 9 à 10 et ensuite de 10 à 11 h 30, là
c’est une heure trente de travail en combo après c’est le dîner.
Ensuite, retour en combo, après écoute de blues, chorale
blues, ensuite « master class » d’instruments, selon les jours.
Comme aujourd’hui, c’est Stephen Barry qui donne l’atelier de basse. Et
le Stephen Barry Blues Band a joué sur l’heure du dîner, pour
les « kids ». Le groupe a fait l’anthologie du blues. Alors,
c’est eux autres qui nous donnent la direction musicale du Camp de Blues,
c’est Stephen Barry qui nous la donne pour nous dire voilà comment
ça se fait du blues. Et donc, rendu à 4 h, il y a l’atelier
et ensuite Stephen va descendre en bas pour une demi-heure où il
va jouer avec des profs pour les élèves. Donc, les élèves,
dans une journée, vont avoir eu un master class, un cours d’instrument,
deux grosses périodes de travail en combo, ils vont avoir chanté,
ils vont avoir écouté, ils vont avoir passé du temps
avec de nouveaux amis qu’ils se font dans leur combo. Et il va y avoir
du monde qui va s’appeler ce soir c’est sûr, puis chatter et se donner
des idées pour préparer la journée de demain.
Est-ce que ça arrive que la chimie
soit inexistante et que ça ne fonctionne tout simplement pas au
sein d’un groupe ?
C’est notre cinquième année cette
année et je touche du bois, je n’ai jamais vu ça ! Et on
dirait que dans le blues, ça ne peut pas se passer comme ça.
Parce que c’est une musique qui est basée sur l’honnêteté,
des sentiments et tout ça. Non, des fois, peut-être que quelqu’un
de vraiment timide va prendre deux jours avant de risquer, de chanter plus,
de jouer plus de son instrument. Mais la chimie qui ne prend pas, non.
C’est comme irrésistible, c’est tellement joyeux, tellement l’fun,
que je n’ai jamais vu ça encore.
Mais comment on fait pour transmettre le blues
à des jeunes de 14-15 ans, alors que c’est une musique qui exige
tout de même un certain vécu ? Est-ce que tu trouves ça
parfois difficile ?
Pas vraiment parce qu’on prend les élèves
où qu’ils sont. Le blues, c’est aussi une musique qui est très
l’fun à jouer, parce que c’est une musique qui est simple. Le blues
c’est comme du rock, lent. C’est la même même chose. «
The Blues had a baby and they named the baby Rock & Roll ». Alors,
tous ceux qui aiment jouer du rock, que tu joues du AC/DC, du Elvis, du
Chuck Berry, ça vient toute de la même racine, ça vient
du blues. Quelqu’un qui fait du jazz, il a beaucoup de « horns »
: trombone, trompette, saxophone. Ils font des cours de jazz en harmonie,
des harmonies scolaires au secondaire. Ils reconnaissent la source de ça
et pour les chanteurs et les chanteuses, c’est de raconter leur histoire
et puis de chanter les chansons avec leur vécu de 15-16-17 ans.
Et ça marche tout le temps parce que le blues c’est la musique du
vrai. Pour que tu sois bon, il faut que tu sois vrai, il faut que tu sois
toi-même. Puis ça, bien à tout âge ça
fait la job. |
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Est-ce qu’il y a un suivi auprès de
ces jeunes-là après la fin du Camp de Blues ?
Il y a un suivi informel. C’est-à-dire qu’il y a une espèce
de famille qui se forme, qui fait que les anciens élèves
reviennent nous voir, ils viennent au show des pros du Camp de Blues, parce
qu’on a fait un show samedi sur la grosse scène, nous les professeurs
et il y avait plein d’anciens élèves. Il y a aussi des anciens
élèves qui se partent des bands mais il n’y a pas de suivi
comme tel, parce que le Camp de Blues dure une semaine puis après
ça tout le monde retourne dans sa maison. Mais il y a des liens
très très profonds qui se créent entre beaucoup d’élèves
puis ils continuent à triper.
Tu me parlais des professeurs, est-ce qu’on
peut savoir de qui il s’agit ?
Il y a Sam Harrisson qui est professeur de « drum », Yves
Adam le prof de saxophone, il y a Michel Lambert, le prof de trompette,
Daniel Bonin, le prof de basse, Laurent Trudel, le prof d’harmonica, moi
je suis prof de chant, Jean-Pierre Lambert, le prof de piano, Christian
Malette, Alain Bertrand et Jean-François Hamel qui sont profs de
guitare et Serge Arsenault le prof de trombone. Alors, les élèves
ont tous ces adultes pour les entourer et bien les former. Il y a vraiment
beaucoup de technique pratique le matin puis après ça on
met tout ça ensemble, en combo, puis on s’arrange pour que la mayonnaise
prenne. |
Est-ce que c’est gratuit ?
C’est gratuit. Moi, écoute, j’aurais payé
pour aller dans un camp de même. Ça n’existait pas pour moi
quand j’avais seize ans. Les élèves qui ont auditionné,
c’est vraiment un privilège pour eux de pouvoir vivre tout ça.
En une semaine, ils vont expérimenter des choses que moi ça
a pris, je te dirais, quelques années à vivre. Ça
va vite, vite, vite, puis ça va bien. C’est comme bien dosé,
c’est fait simplement et naturellement. Alors, non, ça ne leur coûte
rien et c’est TD qui en est le commanditaire et qui permet que ce camp-là
se passe, alors chapeau ! C’est vraiment cool, c’est un camp de rêve
qui est gratuit. Il y a des « drums » ici, des pianos… Ils
vont jouer sur la grosse scène dimanche. Je vais à Radio-Canada
vendredi matin, à l’émission « Des kiwis et des hommes
» avec mes chanteuses. On s’en va chanter là. C’est beaucoup
beaucoup d’expérience en une semaine puis ça les transforme.
Pour ceux qui aimeraient s’inscrire l’an prochain,
comment doivent-ils s’y prendre ?
Il faut aller sur le site du Camp de Blues : www.campdeblues.com
et là aller lire les renseignements. C’est sûr que là
on n'est pas déjà rendu à prendre les inscriptions
pour l’an prochain. Mais je dirais dès la fin de l’été,
aller voir le site Internet et ils peuvent aussi appeler au Camp de Blues,
du Festival de Jazz et demander des renseignements. C’est sûr que
nous sommes en pleine progression, c’est notre cinquième année
puis on voit pour plusieurs années encore.
Est-ce qu’il y a des jeunes qui aujourd’hui
font encore des spectacles ou qui ont acquis une certaine popularité
grâce au Camp de Blues ?
Oui, il y en a plusieurs. Tu vois, comme c’est notre cinquième
année puis les plus vieux ont dix-sept ans, ça veut dire
que les anciens, les plus vieux, ont vingt-deux ans. |
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On a déjà, je te dirais, au moins quatre ou cinq «
bands » qui se sont formés dans les cinq dernières
années et qui fonctionnent encore : « The Boogie Bandits »,
« Runaway Slide », il y a plusieurs instrumentistes solos,
des trompettistes ou des trombonistes ou des saxophonistes qui se sont
trouvés des « gigs » dans des « bands »
de jeunes et je te dirais qu’un autre 2-3 ans et on pourra les voir sur
les scènes du Festival de Jazz, avec des « bands » de
blues. Puis j’ajouterais aussi que le Camp de Blues sert d’expérience
blues à des musiciens qui ne sont pas nécessairement des
musiciens de blues uniquement. Parce que les jeunes ils jouent du blues,
ils jouent du rock, ils jouent du jazz, du pop. Alors, c’est une espèce
d’immersion dans le blues, mais quand tu es jeune et que tu ramasses ça
sur ton chemin dans ta formation musicale, c’est génial.
Tu me parlais de Stephen Barry, qui était
invité ici au Camp de Blues. Y a-t-il d’autres artistes invités
que tu pourrais me nommer ?
Oui, demain il y a Julie Lamontagne qui vient pour la clinique de piano.
Julie qui est une pianiste de jazz très très hot et qui fait
aussi beaucoup de direction d’orchestre, on l’a vue au show de la St-Jean
l’autre jour à la télé. Il y a Dawn Tyler Watson qui
vient pour la clinique de voix, c’est toujours un hit ! Elle vient avec
Paul Deslauriers, qui fait la clinique de guitare. Laurent Trudel de «
Blues Delight », mon band à moi, fait la clinique d’harmonica.
Le jour des «horns », on a Jean-Pierre Zanella, Mohammed Alkabir
puis Jocelyn Couture et ce sont trois « tops » dans leur instrument
: sax, trombone et trompette. On a Bob Harrisson qui vient pour le «
drum », on a Jim Zeller qui vient samedi pour le jam. Jim vient depuis
plusieurs années et il fait jammer les jeunes. Il est vraiment vraiment
fantastique. Il les amène dans le plafond. Alors grosso modo c’est
ça, j’espère ne pas avoir oublié de noms. Alors, tu
vois, ça couvre pas mal tous nos instruments.
Et toi, en quoi consiste ton travail de directeur
artistique ?
Moi jusqu’à l’an passé, j’étais
l’un des profs puis j’étais le leader d’un combo d’orchestre à
qui j’apprenais à jouer ensemble. Cette année on m’a demandé
d’être le directeur du camp. Ça veut dire que j’ai quand même
gardé ma classe de chant parce que pour moi, c’est vraiment important
d’être en contact avec les jeunes et pour le reste je vois à
donner des entrevues, aller à la télé, aller à
la radio, appeler pour faire réparer l’ampli qui ne fonctionne plus,
le piano qui n'est pas arrivé… Moi je suis un peu comme le prof
des profs, je m’assure que tous les profs ont ce qu’il leur faut et puis
que ça s’en va dans une bonne direction. Je suis bien honoré
de cette nomination-là parce qu’en même temps ça veut
dire que quelqu’un considère quelque part que je peux garder un
oeil sur tout ça et que ça reste dans la bonne direction
parce que ça nous tient vraiment à coeur tout ça.
Justement, tu es proche des jeunes, tu les
vois évoluer pendant le Camp de Blues, est-ce que ça t’est
déjà arrivé d’en voir un qui t’a complètement
renversé ?
Ah! ça arrive chaque année, puis
c’est des petites et des grandes victoires. Je prends un exemple comme
ça, le chanteur ou la chanteuse qui va vivre un grand succès
au spectacle, c’est merveilleux. Mais celui ou celle qui est arrivé
lundi matin et qui chantait en regardant ses souliers puis qui était
vraiment timide et que dans ses yeux, je vois de la peur ou de la gêne
et qui au spectacle va chanter vraiment bien, c’est une grande victoire
! Alors, tu comprends, ce n’est pas un camp où l’on forme des artistes
professionnels en une semaine, c’est un camp où on fait cheminer
tous les élèves à partir d’où ils sont rendus |
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Il y en a qui ont déjà beaucoup de
chemin de fait, il y en a qui sont habitués à être
dans des orchestres, d’autres que c’est leur première fois puis
ils sont avec huit ou neuf musiciens…
Donc comment tu prends ta place ?
Alors, c’est très très bon pour la confiance. Ils apprennent
un million de choses en une semaine. Il y a toutes sortes d’apprentissages,
toutes sortes de victoires tous les jours. Ce matin, je peux dire que j’ai
vu une jeune chanteuse qui a vraiment découvert sa voix ce matin.
Ça a pris cinq minutes puis tout à coup, il y a quelque chose
qui a ouvert, puis là c’est ouvert pour de bon. Pour toute sa vie.
Alors, je suis content !
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Ça doit effectivement être très
valorisant pour toi, à la fin de la journée. Alors merci
beaucoup, Vincent Beaulne, on va surveiller le spectacle du Camp de Blues,
le dimanche 4 juillet sur la scène TD à 18 h.
Oui, venez en grand nombre ! Venez voir le talent
de nos jeunes bluesmen, c’est vraiment extraordinaire !
Patricia Clavel
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