Webzine Le
Net Blues
Maximum Blues 2003
11e édition
Un beau festival «Blues fallin’
down
like rain»
La 11e édition du Maximum Blues
de Carleton
aura été arrosée par une pluie quasi continuelle,
diluant la participation du public à la portion spectacles
extérieurs
du festival. Cela n’aura cependant pas entamé l’ardeur et
l’amour
du blues des gaspésiens, de même que celle des artistes
que
j’ai croisés, et celle du public, en général.
The
Hoodoomen : Francis
Marie, caisse claire, Pascal Fouquet, guitare,
Philippe
Brière, chant
et harmonica, Bernard Marie, basse,
et accroupi au
centre de la
scène, Fabien Saussaye, claviériste
|
Arrivé le jeudi 7
août pour le spectacle
des Hoodoomen de France, j’ai tout de suite senti qu’avec eux, il y
avait
cette simplicité, cette communication chaleureuse et cet
enthousiasme
contagieux, marque de commerce du blues.
Le blues, cette musique du feeling,
ces vieux
potes normands d’expérience en mangent et en vivent. Leur but,
aller
chercher le public pour les faire participer à la fête,
à
la célébration du blues dont ils interprètent les
standards swing, shuffles et parfois cajuns, le tout additionné
de leurs propres compositions dans la même veine.. Ils ont fait
leurs
classes et n’hésitent pas à «descendre au
cœur
des spectateurs», pour leur transmettre, comme par osmose, leur
amour
du blues.
L’implication complice des membres du
band peut
prendre plusieurs formes, au-delà de leurs
interprétations
passionnées, «extra pulse» et interactives où
le public devient comme le 6e membre du groupe. |
Ils ressortent des boules à mites
plusieurs
vieux trucs de l’expérience blues tels, chanter sans micro,
jouer
à deux sur la même guitare, jouer des baguettes sur le
plancher
à la rencontre des gens ou performer en groupe parmi la foule,
comme
à La Nouvelle-Orléans.
Ils ont fait mouche! La réaction des
gaspésiens et des
visiteurs bravant la température maussade, fut spontanée
et enthousiaste! Ils ont le feu sacré, ces irréductibles
normands nomades! Leur spectacle est complet musical, visuel,
convivial!
Au-delà des performances individuelles solides des musiciens,
dont
Pascal Fouquet à la guitare et Fabien Saussaye au piano, j’ai
surtout
retenu l’impact de leur jeu d’ensemble respectueux de la tradition
qu’ils
épicent de leur touche personnelle avec leurs propres
compositions,
telles Like a Coyote.
Cette pièce de contexte blues raconte l’histoire
du type qui
se fait piquer sa blonde par son meilleur copain. La
disponibilité,
le savoir-faire de Philippe Brière, au chant et à
l’harmonica,
de Bernard Marie à la basse et de son frère, Francis
Marie
– que je surnomme «extra pulse»-, à la batterie,
joints
à l’implication de tous les membres du band, font des Hoodoomen
des ambassadeurs de choix du blues de l’Hexagone, propres à
rallier
même les sceptiques. Avec eux, le party s’installe
irrémédiablement,
diablement! Allez-y voir!…
|
Pascal
Fouquet et Bernard
Marie, à la guitare,
sous l’œil
allumé de
Philippe Brière
|
En soirée, sous le grand
chapiteau, j’ai
été peu touché par le spectacle «type
démonstration»
présenté par L.A. Jones. Je trouve que c’est bien beau
des
trucs et des acrobaties à la guitare quand ils
s’intègrent
et pimentent un spectacle de qualité. Dans ce cas-ci, la trame
du
spectacle m’est apparue plutôt clairsemée. Toni Lynn
Washington,
cette «Queen of the Blues», qui lui succédait sur
cette
scène, a définitivement racheté la mise par son
blues
élégant mâtiné de R&B et de Soul. le
tout
présenté avec un sourire et une voix énergique et
riche. Son groupe composé de guitare, basse, batterie, clavier
et
sax ténor enjoué et communicatif, fait
«classe»
dans son accompagnement.

Au Motel L’Abri;
Philippe Brière,
Bernard Marie,
guitare et Lise
Hannick.
|

Au Motel L’Abri;
Philippe, Bernard,
Larry Taylor
et Big Ben,
bassiste du Pat
The White Band
|
Côté bar, ce soir-là,
je suis
allé au Héron voir Glenn Gillis et le Dirty Blues Band,
deux
groupes de Québec que je connais plutôt bien. Gillis
était
accompagné par un band monté spécialement pour
l’occasion,
soit Woogie, au piano (Delta Blues Band), Jeff Poirier, basse et
contrebasse
(Bottleneck) et Gilles Potvin, l’«énergétique
inépuisable»
à la batterie (Only Blues Band). Ils ont «fait la
job»,
comme on dit chez nous. Le Dirty Blues Band, quant à eux,
misaient
plus sur les guitares, avec Normand Lacroix et Denis Viel, jeune
guitariste-chanteur
du band qui ne cesse d’évoluer, mangeant le blues comme le
bitume
et allant même, à un moment jammer avec Lise Hannick, au
Motel
L’Abri, entre deux sets. Clément Duhamel, attentif et
métronome
à la basse et André Pelletier, le vétéran
«full
jeune d’enthousiasme», à la batterie, complètent ce
band qui peut voguer du blues plus traditionnel au blues rock pour
«brasser
la cabane»!!
Motel
L’Abri; Pascal Fouquet,
Catherine et son
amie Lise,
Larry Taylor
|
Le lendemain, je suis allé
à Ste-Thérèse
de Gaspé et à l’Anse à Beaufils, près de
Percé,
sous la bruine et sous la brume. Que de beaux paysages et une
prestation
ludique et formidable de Tomas Jensen, ce francophile argentin
original,
au Café de la salle de spectacle de La Vieille Usine de l’Anse
à
Beaufils. Comme de quoi que le blues mène à tout,
à
condition qu’on en sorte, plus loin,ailleurs!
Après cet intermède,
je suis de
retour au Maximum Blues, le samedi après-midi, pour la
prestation
formidable du Rob Lutes Band, un de mes coups de cœur du festival. Rob
Lutes, cet auteur-compositeur, interprète, brûle
littéralement
les planches! Quelle voix, graveleuse, puissante, solide! Quel
répertoire
de folk, de blues, de moments plus intimistes… et de moments plus
éclatés!
Enfin, quel band, avec Tony Cuco, à la basse, R.D. Harris,
à
la batterie, et le full cool, mélodique et satisfaisant Rob Mc
Donald,
aux guitares et mandoline.
|
Suit, sous le grand chapiteau,
Mississippi Heat,
cette formation de Chicago, sous la gouverne de l’harmoniciste belge
Pierre
Lacoque. Il est accompagné par un jeune band comprenant guitare,
basse, clavier et batterie, de même que par Inetta Visor, une
jeune
chanteuse noire à la voix enjouée, intéressante et
au sourire pouvant vous irradier. Un moment fort de leur spectacle
s’est
produit lorsque M. Lacocque a interprété à
l’harmonica,
un instrumental à la mémoire de Georges Bass, un de ses
anciens
musiciens, maintenant domicilié outre-tombe. Émotions
profondes
et originalité du jeu d’harmonica ont relevé à un
niveau supérieur la qualité de ce spectacle qui a
reçu
un bon accueil de la part du public.
Suivait le spectacle que
j’attendais tout spécialement,
soit celui du Muddy Waters Tribute Band. Ce band d’incontournables
légendes
du blues rassemblait pour cette gig spéciale au Maximum Blues,
les
dédiés Willie «Big Eyes» Smith, à la
batterie
et Calvin «Fuzz» Jones, à la basse; John Primer,
apprécié
en d’autres lieux, l’an dernier, dans une présentation beaucoup
plus cool, était, cette fois-ci, survolté, extra ludique
et spectaculaire à la guitare et à l’animation.
C’était
comme si Muddy lui-même lui transfusait un supplément
d’âme
et de guts pour l’occasion; «Wild Child» Butler,
l’enfant
terrible, maintenant beaucoup plus sage, à l’harmonica et la
«jeunesse»
David Maxwell, au jeu de piano dynamique et complexe,
complétaient
ce band d’irréductibles bluesmen. Outre la prestation
extravertie
et animée de John Primer à la guitare et à la
voix,
il fallait voir Willie Smith chanter le blues sans compromis avec toute
l’énergie de ses tripes et Calvin Jones contribuer de son jeu de
basse et de son chant consistants! Que de moments magiques avec ces
«messagers
du blues électrique» qui ont donné leur 100%,
«poussé
le fond de leurs tripes» avec conviction. Muddy Waters devait
jubiler
sur son nuage! Whooo!!!
|
Sous le
Grand Chapiteau;
Inetta Visor,
chanteuse du
groupe Mississippi
Heat
|
Le soir, c’était le bœuf, c’était le pied, au
Jail House
Bar du Motel L’Abri. Lise Hannick et son band «funkaient
français»
et bluesaient! They were cooking, man! Les talents
d’«hôtesse
à la confiture» traduction libre d’hôtesse de jam,
bien
sûr!…) de la «Môdite Française» sont
bien
reconnus, ici. Moments particulièrement intenses, que ces
interprétations
vocales senties, personnelles et originales de Larry Taylor, fils du
réputé
guitariste Eddie Taylor et batteur dans le band de son oncle, Jimmy
Burns.
Accompagné de plusieurs musiciens qui se sont
succédés,
dont l’excellent Fabien Saussaye des Hoodoomen, à l’orgue, il a
repris des classiques du genre, les assaisonnant de ses inflexions
vocales
senties et inédites, trempées dans la tradition.
Il était plaisant, aussi, de voir Lise Hannick
accueillir et
jammer avec les Hoodoomen, ses compatriotes d’outre-atlantique, elle
qui
a, pour ainsi dire, un pied sur le «Delta Inversé du
Québec»
et un pied et des racines dans l’Hexagone!!! Nuit magique,
mémorable,
festive! Soulignons ici les qualités rassembleuses et la verve
improvisatrice
de la française que l’on aime bien, ici. Milles excuses pour
tous
les musiciens qui ont contribué à cette soirée et
qui ne sont pas nommés ici. Ils se reconnaîtront, j’en
suis
sûr!
Pierre
«Goly»
Jobin et
Bernard Marie des
Hoodoomen
|
Le dimanche, c’est la journée que l’on pourrait
qualifier «everybody’s
gospel n’ blues électrifié dans la tradition
Mississippi-Chicago».
La fourchette d’âge devient plus large que celle du public de
Tintin.
Tout le monde y est interpellé, tout le monde y est diverti!
Tout
d’abord, le Perpetual Praise Gospel Choir de Montréal livre une
performance très inspirante, enhardie de bonheur participatif,
de
feu partagé, d’énergie retrouvée. Leur
répertoire
allie tradition et modernisme. Un excellent band comprenant claviers,
guitare,
basse, batterie et tambourin, accompagne ce chœur sous la direction de
Tamsyn Clarke. Celle-ci, excellente animatrice de foule, partage ce
service
avec quelques collègues, tout aussi dynamiques.
On apprend par la suite que Long John Hunter, le
guitariste texan et
son band seraient retenus au Connecticut. Qu’à cela ne tienne,
bon
prince, Jimmy Burns, augmentera son spectacle d’une première
partie
en solo, à la guitare électrique et à la voix.
Puis,
en un tournemain, place au Jimmy Burns Band, composé de Jimmy
Burns,
à la guitare et au chant, d’un autre guitariste, d’un bassiste
et
d’un batteur. Le tout fait merveille!… Un chanteur réjouissant,
avec une voix superbe, s’insinue parmi les deux guitaristes complets
qui
s’échangent la rythmique et les solos, un drummer original se
prend
à jouer de sa palette particulière
entremêlée
avec la tradition et un bassiste impeccable, assuré, nous
démontrent
irrémédiablement que le son, le feeling d’un band est
infiniment
plus que la somme des parties. M. Burns et ses acolytes nous feront la
fête avec endurance et un plaisir évidents, avec leur
blues,
leur R&B, leur Soul et même un Let’s Do The Twist
endiablé.
Entendu en musique d’ambiance avant la présentation de ces
spectacles,
un Cilles C. Sioui & the Midnight Riders, très
intéressant.
|
Le seul spectacle qui demeurait au programme après la
clôture
officielle de cette 11e édition du Maximum Blues de
Carleton-sur-Mer
était celui du Dirty Blues Band & Invités au Bar Le
Héron.
Ce n’était pas la cohue en cette dernière soirée.
C’est tant pis pour ceux qui ont manqué ces moments où
Larry
Taylor s’est joint au band, y allant tantôt d’un blues profond,
tantôt
d’un funk primal. On a aussi eu droit aux échanges de guitares
relevés
entre Normand Lacroix et Lise Hannick (elle est partout
celle-là!).
Ils étaient accompagnés pour l’occasion de Darius,
bassman
de James Armstrong en visite cette année (après avoir
joué
au festival l’an passé) et de Larry Taylor à la batterie.
Que d’acrobaties sur les cordes de guitares, à travers le blues
et même le country, sous l’impulsion de Normand Lacroix qui s’en
est donné, à cœur joie. Darius, en vacances, avait l’air
d’avoir bien du plaisir, tout comme les gens dans la place.
Somme toute, j’ai manqué beaucoup de spectacles de
cette édition
du «blues à Carleton», ce que je ne peux que
déplorer,
cependant j’ai eu bien du fun!!! Bravo pour l’accueil proverbial des
gaspésiens,
l’implication titanesque des bénévoles qui ont
travaillé
comme des fourmis sous la pluie, et à toute l’organisation qui
année
après année relève le défi de main de
maître.
En espérant la présence de Galarneau et de bien des
petits
nouveaux pour l’année prochaine! Ahouuuu!!!
Pierre Jobin
Pour me joindre ou pour vos commentaires:
amisdublues@videotron.ca
MP3 promo. - Like A Coyote - 2,5mo
Philippe
Brière/Pascal Fouquet

Festiblues 2003

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