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Par: Pierre '' Goly '' Jobin
Site Web:Les Amis Du Blues Photos: Gilles Bérubé gillesberube2004@hotmal.com |
À propos de Hubert Sumlin
Entrevue avec Peter Shonk
Le 21 mars 2004, au Musée des Beaux-Arts du Québec, après un excellent spectacle de blues acoustique qu’il donnait en compagnie de Jocelyn Goulet avec qui il forme le duo The Bluescasters, j’ai rencontré Peter Shonk, question de faire un retour sur son expérience d’avoir accompagné Hubert Sumlin. Ç’était le 11 mars précédent, en compagnie du band Mo Blues, au Cabaret du Capitole à Québec, qu’il avait côtoyé de près et supporté la prestation de ce légendaire guitariste, fort apprécié de ses pairs, entre autres, Stevie Ray Vaughan, Eric Clapton, Jimi Hendrix… Voici ce qu’il m’a dit…
Bonjour Peter.
Bonjour Pierre.
Est-ce que c’était ta première
expérience, ta première rencontre avec Hubert Sumlin?
Oui et non, parce que j’ai fait un spectacle
à peu près en 1980 avec Eddie Shaw and the Wolf Gang et Jimmy
Dawkins Band, avec mon band The Blue Lights, de Providence, Rhode Island
. Je ne l’ai pas rencontré, mais comme je dis, on a fait le show
avec; et puis je l’ai entendu là, et puis, c’était incroyable
cette journée-là. C’est une des meilleures performances et
son de guitare que j’ai jamais entendue, parce que c’était dehors
à côté d’un mur de briques, une bâtisse qui était
juste à côté de son ampli, et ça résonnait
comme les disques Chess, là, puis c’était vraiment incroyable!
Puis, je l’ai vu deux fois avec Howlin’ Wolf, aussi. Pour dire que je l’ai
rencontré, non, je ne lui avais jamais vraiment donné la
main ou parlé avec, jusqu’à cette soirée-là.
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Avec Howlin’ Wolf, peux-tu me donner une image
de ce que ça pouvait donner, Hubert Sumlin avec un personnage, un
géant comme Howlin’ Wolf?
Howlin’ Wolf avait tellement une présence sur scène que l’on était concentré surtout sur lui, parce qu’il chante lead singer, et puis il avait juste une agressivité et une présence qui était vraiment… qui captait votre attention. Hubert était plus caché en arrière, subtil dans son jeu. Quand c’était à son tour, il faisait sa job, bien comme il faut, mais lui c’était un gars qui était… tu voyais que c’était un gars vraiment humble, pas assertif. Souvent, tu vois les lead guitarists et puis, il «mettent ça dans ta face», mais Hubert, c’était plus comme en arrière. Pour backer le lead singer
Quand t’as rencontré Hubert à Québec, ça a été quoi, ta première impression, ton premier feeling? |
Le band Mo Blues et toi, est-ce que vous aviez
pratiqué les tounes de Hubert. Saviez-vous d’avance ce que vous
étiez pour jouer, ou est-ce que ça s’est décidé
pas mal sur la scène?
On avait une couple de disques de Hubert, mais
son agent a parlé que Hubert a tendance à faire plusieurs
tounes de Howlin’ Wolf. Il nous a donné une liste des pièces
de Howlin’ Wolf que supposément, il faisait encore. Là, on
a travaillé ça ensemble avec Michel Ouellette et le band.
Ça a bien été, on a appris treize tounes et ça
rentrait bien et puis moi, j’ai chanté la partie de Howlin’ Wolf
parce que je connaissais ces tounes-là, je savais toutes les paroles,
déjà. Je les avais chanté pendant des années,
et puis ça rentrait bien au bouttt! Et j’ai dit à Hubert,
aussi… il voulait qu’on chante à sa place parce qu’il marche sur
un poumon, astheure, il a eu une opération… Et puis, on savait que
son agent avait dit, «il ne peut pas chanter 4-5 tounes en ligne,
que ça serait trop difficile pour lui.» Puis, on a appris
ces tounes-là, pensant que Hubert va être confortable de jouer
dans ces pièces-là qu’il a jouées pendant vingt ans
avec Howlin’ Wolf. Puis, ça a roulé un peu de même,
et on a pensé de prendre chacun son tour, Michel en chante une,
moi, j’en chante une, Hubert en chante une, et puis commencer avec Hubert.
Et puis, Hubert, c’était cool, parce que lui, il a chanté
les nouvelles compositions, ses compositions qui vont être sur son
nouveau disque, et puis, personne avait ce disque-là. Au moment
où il a commencé les chansons, j’ai trouvé la clef,
et puis j’ai dit «Hé! c’est en do, là». Et puis,
on suivait et ça rentrait après ça, et c’était
vraiment agréable de faire ça de même. Et puis, quand
c’était à notre tour, on a fait les pièces de Howlin’
Wolf, et tout le monde était quand même confortable dans cette
situation.
En tout cas, il avait l’air content du band.
Il l’a dit à plusieurs reprises.
Oui, et puis il me l’a dit dans la loge, aussi.
Oui il était bien content, car il savait, hé! regarde, qu’on
n’avait pas pratiqué ensemble avec lui, puis on n’a même pas
fait un check de sound avec lui. Il s’est reposé en arrivant, et
oui, ça s’est très bien passé. Le public était
heureux. J’ai trouvé ça super correct de sa part parce qu’il
n’était pas obligé de nous encourager et de nous donner des
compliments de même. C’est pas tout le monde qui va faire ça.
Il a été tellement généreux et puis un gars
positif. Ça m’a impressionné. C’est l’un des plus gentils
hommes que j’ai jamais rencontré, sur la terre. (Peter insiste ici
en prolongeant et en appuyant à sa manière caractéristique
d’anglophone (américain) «sur la tèèèrre.
Quel accent savoureux, ça vaut le déplacement!)
Wow! Quand même c’est… T’as quand même
une cinquantaine d’années, quoi, pas loin?
Silence… et puis…«Oui» (à
peine audible…)
(Rires) Quand Hubert Sumlin est arrivé,
la salle était déjà pas mal réchauffée.
Mo Blues et Peter Shonk avaient embarqué, pas mal, le monde. Quand
il est arrivé, j’ai eu l’impression qu’il y a eu un nuage bleu,
toute la salle s’est teintée bleue, quand il est arrivé et
qu’il s’est mis à parler au monde. Le bluesman arrivait, là…
Ah! Oui. Il avait le… En fait, quand un gars
est humble et pas trop extravagant, là, c’est peut-être pas
le bon mot… Il avait une bonne façon de communiquer avec le monde,
et puis le monde est tombé en amour avec lui, you know… y voyait
tout de suite qu’il était gentil et puis le monde de Québec,
you know, sont sensibles, et puis, ça a marché tout de suite
au point de vue de ça, la relation avec le public.
Oui, il l’a maintenue toute la soirée,
on a senti la communication avec Hubert, ça a duré toute
la soirée, même si les gens voyaient qu’il ne pouvait plus
jouer autant. Il donnait tout ce qu’il avait, puis, sa présence
satisfaisait les gens, je pense…
Oui, oui, puis, ils ont compris la situation; puis, Hubert a fait… moi, qu’est-ce que j’ai remarqué de son jeu, c’est que de temps en temps, il accrochait une note, et puis il bendait ça, et puis, ça sortait comme un flash, et puis tout le monde était, you know, emballé par ça, et puis, ça répondait, puis, pour moi, même Éric Clapton qui est un grand fan de Hubert a dit que le blues, là, c’est une note bien jouée et bien placée, et puis, Hubert savait comment faire ça. Sûrement.
Ce sont des notes des fois inattendues; tu ne t’attends pas à cette note-là. Et puis, il arrive avec une note, là, et tu dis «d’où arrive-t-il avec ça?» Oui, mais son jeu, c’est tellement original et unique que c’est ça qui est le fun pour, you know, pour moi d’entendre ça; c’est que je trouve, c’est qu’il ne se compare pas avec les autres. Il est comme dans une classe à part. Il est comme tout seul par son originalité. Tu ne vas pas entendre les autres dans son jeu. Un petit peu, on a fait une toune de B.B. King et puis il a fait un riff de B.B.. J’ai dit ah!…il connaît ça, c’est sûr; mais, you know, normalement, c’est lui-même, puis, t’entend pas les autres qui peuvent jouer, ben, ben comme lui, non plus… |
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C’est sa personnalité, c’est unique?
Oui, et puis, il joue avec ses doigts, il ne
joue pas avec un pick. Son approche, son attaque, là, c’est unique.
C’est ça le côté… c’était une chance pour le
monde d’entendre ça, ici. J’espère que c’est pas la dernière
fois, mais, euh!…
Quelle est la chose que tu as retenue le plus
qui t’a le plus imprégné avec Hubert Sumlin?
C’est quand on était dans la loge, il
m’a parlé. C’est un gars… ça m’a impressionné beaucoup,
parce qu’à son âge, à soixante-douze, treize ans, et
après une opération pour enlever son poumon, il avait encore
l’esprit pour parler en avant, pour continuer; et puis, il parlait de son
disque qui va être son premier vrai success, puis je dis, tabarouette,
il a encore l’espoir, puis il aimait encore ça. Il m’a dit qu’il
fait ça, parce qu’il aime ça, et puis, qu’il va mourir en
train de faire ça. Puis moi, à mon âge à cinquante
ans, you know, tu regardes en arrière, tu regardes en avant, puis
je me pose des questions, des fois. Puis, you know, qu’est-ce que moi je
vais faire, puis de l’entendre à son âge parler de même,
je ne me pose plus de questions.
Merci beaucoup, Peter
(Rires) Merci.
Peter Shonk, un américain originaire de la Nouvelle-Angleterre, au mitant de l’âge, joue le blues à la guitare, harmonica et vocal, depuis son adolescence. Il combine le tout avec savoir-faire et pertinence, en une expérience et un son savoureux. Il est résident de la région de Québec depuis plus d'une vingtaine d'années et a absorbé le parler québécois truffé de vieux mots et d'anglicismes, avec une faculté d'osmose et de rétention, ma foi, fort efficace. Et puis, il a assaisonné et agrémenté le tout de parlure américaine, ce qui fait qu'il a une forme de langage très personnelle, originale et colorée. Ajoutez à cela, l'accent anglophone, l'humour de ce raconteur d'histoires et la somme d'expériences de ce musicien vécue au contact et à partager la scène américaine avec les bluesmen noirs, et vous avez un bonhomme intéressant, drôle, pertinent-cool comme le blues.
Pierre '' Goly'' Jobin